mardi 15 décembre 2015

Plumetis ...


Lorsque j'étais enfant, je voyais chaque matin, avec la régularité d'un métronome, ma Maman se préparer avant de partir au travail.

Mère de trois enfants rapprochés, elle s'est d'abord occupée de nous et de l'intendance de la maison puis, lorsque j'ai eu trois ans, elle est allée travailler "à l'usine".  Une usine de reliure.
Les horaires et le rythme étaient très soutenus.
Entre  45h de travail physique par semaine et tout le reste de son temps derrière la centrale vapeur ou devant le hublot de la machine à laver le linge (#les Thénardier, mais ne pleure pas tout de suite) elle ne chômait pas.
Elle n'avait pas de femme de ménage pour la suppléer, d'ailleurs le verbe suppléer ne faisait pas parti du vocabulaire de la maisonnée. 
 
Elle faisait absolument tout, toute seule.
Les pères de cette génération étaient tournés, comme tu le sais, vers des activités "d'hommes".
Ils avaient des "activités manuelles en extérieur", où ils pouvaient à loisirs épargner leurs tympans des cris et jérémiades de leurs braillards de gosses (même si nous on était sage) (mon père n'était pas abonné au Monde et par conséquent ne se lovait pas au coin du feu dans son fauteuil club pour le lire). Ne nous méprenons pas, mon père est un homme incroyablement courageux et lorsqu'il était "dehors", il abattait un travail colossal (mais sans tentions nerveuses).

Ma mère, donc, mettait un point d'honneur à ce que tout soit parfait.
Nos chaussures étaient cirées, notre toilette quotidienne faite, coins et replis briqués, nos dents bien brossées et nos oreilles bien propres. Dans la mesure de ce nous accordait notre nature capillaire il fallait être également bien coiffé. Ma mère, figure d'exemple, était toujours impeccable également (elle l'est encore aujourd'hui je te rassure). Légèrement maquillée, toujours bien habillée, ses chaussures bien cirées et une coiffure extrêmement bien maîtrisée.

A l'époque, dans les années 80, la laque Elnett sévissait et ma mère n'avait pas le temps de penser à la couche d'ozone, ni au réchauffement climatique. La dose de laque qu'elle appliquait sur ses cheveux était telle qu'une bourrasque de vent n'aurait jamais pu décoiffer cette splendide coupe à la lionne qui faisait d'elle la plus belle des mamans. Ne manquant jamais d'appliquer sa crème de jour ni sa crème de nuit Yves Rocher ( avec qui elle entretenait une correspondance soutenue, voire suspecte) elle avait une peau et un teint de jeune fille. Cela d'ailleurs n'a pas changé.

A l'époque également les commandes de rentrée sur le catalogue de la redoute étaient de rigueur. Pour les fêtes, nos habits de "cérémonie" étaient cousus mains par madame Damande. La couturière du coin. La mode était au boléro pour les enfants et aux manches "chauves souris" pour les mamans. Bref, il n'était pas concevable que l'un d'entre nous ne quitte la maison sans être tiré à 4 épingles et ma mère encore moins. Mon père, lui, en guise de coquetterie, fumait son paquet de royales rouge dans le salon et conduisait en toute simplicité une Renault 5 dans laquelle il parvenait à nous faire tous tenir. Pas de problème de place pour les valises, nous ne partions pas en vacances. Le jardin de mon père était sa station balnéaire.

Notre maman tenait la maison d'une main de maître, aucune poussière ne lui échappait, nos lits étaient faits, nos chaussons rangés au pied de l'escalier s'ils n'étaient pas à nos propres pieds.

Maman ne se serait jamais couchée sans se démaquiller ni sans appliquer sa crème anti rides d'un geste précis (jusque dans le cou), comme le recommandait la publicité.

Elle s'étonnait souvent de ce que ses collègues puissent arriver à l'usine coiffés comme un ballot de paille ou bien avec des vêtements qui ne soient pas repassés, ou pire, déjà portés la veille...

Noël  (je parle de Noël maintenant si je veux) était préparé avec une soin très particulier, nous nous transformions en lutins anti-poussières, même les barreaux de chaises étaient époussetés. Notre mère prévoyait des menus chics et peu ordinaires : des avocats sauce cocktail, de la biche aux airelles, des toasts aux œufs de lompes, de la bûche "du boulanger"... Mes souvenirs font défaut à ses talents d'ambassadrice Ferrero, mais croyez moi, le dîner était "recherché". Nous préparions avec elle des menus individuels (même quand  nous n'étions que nous cinq). Elle élaborait méticuleusement un exemple que nous reproduisions dans la journée pour dresser la table le soir. Papa sortait ses bons vins pour accompagner les plats de maman et sciait un sapin du jardin, dans une ambiance relativement crispée, rapport au pied du sapin qu'il fallait cent fois retaillé, parce que trop long, bancal, trop fin... bref une mine à emmerdes, avant de pouvoir être orné.
Nous étions autorisées ce soir là, ma sœur et moi même, (#Miss réveillon),  à asperger nos cheveux, de bombe à paillettes Avon. (Je crois, avec le recul, que nous ignorions à l'époque l'existence même de la couche d'ozone...). Au coin de nos yeux (ne sois pas jalouse, nous étions de vraies biches de Noël) nous appliquions du gel pailleté (coquetterie de l'extrême). Il était hors de question de n'être pas apprêté à son maximum les 24 et 25 décembre, même barbouillés des excès du repas de la veille.

Il y a cependant un détail que je n'ai pas évoqué et qui, dans les années 80, était également un accessoire "mode" incontournable... 
C'est en me rendant récemment au rayon chaussettes et mi-bas de mon Monoprix que tout soudain cette étrange période de mon enfance m'est revenue. Les mi-bas plumetis que portait ma mère pour aller travailler étaient de nouveau là, en vente, 30 ans plus tard...
J'ai ainsi découvert que le Mi-bas PLU-ME-TIS était ma madeleine de Proust.
Voilà, désormais, je crois que tu sais tout de moi (et de ma sœur qui va finir par me détester parce que si ça se trouve elle voulait pas qu'on sache pour les paillettes au coin des yeux).
 
 
 
Conclusion : si tu cherches des "plumetis" y'en a chez Monop. 
 

14 commentaires:

  1. Ah oui, je me souviens de ces mi-bas, mais moi dans les années 80, j'avais... enfin un peu plus que toi !
    Pour le reste, c'est un bel hommage pour ta maman.

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    1. Telllllllllement chic le plumetis 😉 Bonnes fêtes de fin d'année Françoise ! Je t'embrasse !

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  2. Y avait aussi les collants plumetis : d'ailleurs j'en ai encore 1 non filé ;)

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  3. Cette description de ta maman est très touchante et très drôle, comme à chaque fois tu sais émouvoir et faire rire à la fois.
    imagine dans 30 ans ce que tes trois petits loulous...avec leur sens de la répartie je pense que ce sera à se tordre de rire :)

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    1. Merci ma chère mo de ces compliments ! On attend qques années et on en reparle alors ? 😂

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  4. Mais ouiiiii!!! Les mi-bas plumetis...Chez nous, c'est fille n° 2 qui a rapporté ça du Monop, et là....remember, le MUST de mes 20 ans... L'âges de mes filles aujourd'hui. Joyeux Noël!! Jeanne

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    1. Joyeux Noel Jeanne ! Merci de votre visite ici et heureuse de voir que le plumetis "résonne" jusqu'au delà de ce blog ! ;-)

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  5. Je retente, blogger fait de l'anti-So ( pas que chez toi, je te rassure ) : je disais donc très bel hommage à ta maman, je vois d'où tu tiens ton souci de tout maitriser à la perfection .
    Et promis je ne dirai rien pour les paillettes au coin des yeux )

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    1. Ah ! Je vois là une fidèle lectrice ... Un pour la persévérance du com, deux pour l'analyse du profil de Bibiche ! C'est vrai qu'en rédigeant ce billet j'avais l'impression à certains moments de me voir ... ( merci pour ma sœur hahahahaha ha ).

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  6. Quel joli billet sur ta maman, tu m'aurais presque mis les larmes aux yeux (mais j'ai pasl'temps chui enr'taaaaaard)
    Les chaussures cirées tiens ça me rappelle des souvenirs, chez nous aussi tous les trois assis sur la marche de l’escalier, les chaussures briquées (oui même entre midi et deux!)

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    1. J'avais même pas vu ton petit mot Filo ! Merci de ton passage !

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  7. Moi je vais lui demander à ta sœur d'en remettre des paillettes au coin des yeux !!!!

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    1. Si ca se trouve elle en met encore pour aller au bureau !

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