Lorsque j'étais enfant, je voyais chaque matin, avec la
régularité d'un métronome, ma Maman se préparer avant de partir au travail.
Mère de trois enfants rapprochés, elle s'est d'abord
occupée de nous et de l'intendance de la maison puis, lorsque j'ai eu trois ans, elle est
allée travailler "à l'usine". Une usine de reliure.
Les horaires et le rythme étaient
très soutenus.
Entre 45h de travail physique par semaine et tout le reste de son temps derrière la centrale vapeur ou devant le hublot de la machine à laver le linge (#les Thénardier, mais ne pleure pas tout de suite) elle ne chômait pas.
Elle n'avait pas de femme de ménage pour la suppléer, d'ailleurs le verbe suppléer ne faisait pas parti du vocabulaire de la maisonnée.
Elle faisait absolument tout,
toute seule.
Les pères de cette génération étaient tournés, comme tu le sais, vers des activités
"d'hommes".
Ils avaient des "activités manuelles en
extérieur", où ils pouvaient à loisirs épargner leurs tympans des cris et jérémiades de leurs braillards de gosses (même si nous on était sage) (mon père n'était pas abonné au Monde et par conséquent ne se lovait pas au coin du feu dans son fauteuil club pour le lire). Ne nous
méprenons pas, mon père est un homme incroyablement courageux et lorsqu'il était "dehors", il abattait un travail colossal (mais sans tentions nerveuses).
Ma mère, donc, mettait un point d'honneur à ce que
tout soit parfait.
Nos chaussures étaient cirées, notre toilette quotidienne faite,
coins et replis briqués, nos dents bien brossées et nos oreilles bien propres.
Dans la mesure de ce nous accordait notre nature capillaire il fallait être
également bien coiffé. Ma mère, figure d'exemple, était toujours impeccable
également (elle l'est encore aujourd'hui je te rassure). Légèrement maquillée, toujours bien habillée, ses
chaussures bien cirées et une coiffure extrêmement bien maîtrisée.
A l'époque, dans les années 80, la laque Elnett sévissait
et ma mère n'avait pas le temps de penser à la couche d'ozone, ni au
réchauffement climatique. La dose de laque qu'elle appliquait sur ses cheveux était telle qu'une bourrasque de vent n'aurait
jamais pu décoiffer cette splendide coupe à la lionne qui faisait d'elle la
plus belle des mamans. Ne manquant jamais d'appliquer sa crème de jour ni sa
crème de nuit Yves Rocher ( avec qui elle entretenait une correspondance
soutenue, voire suspecte) elle avait une peau et un teint de jeune fille. Cela d'ailleurs n'a
pas changé.
A l'époque également les commandes de rentrée sur le
catalogue de la redoute étaient de rigueur. Pour les fêtes, nos habits de
"cérémonie" étaient cousus mains par madame Damande. La couturière du
coin. La mode était au boléro pour les enfants et aux manches "chauves souris" pour les mamans. Bref, il n'était pas concevable que l'un
d'entre nous ne quitte la maison sans être tiré à 4 épingles et ma mère encore
moins. Mon père, lui, en guise de coquetterie, fumait son paquet de royales rouge dans le salon et
conduisait en toute simplicité une Renault 5 dans laquelle il parvenait à nous faire tous tenir. Pas de problème de place pour les valises, nous ne partions pas en
vacances. Le jardin de mon père était sa station balnéaire.
Notre maman tenait la maison d'une main de maître, aucune
poussière ne lui échappait, nos lits étaient faits, nos chaussons rangés au pied
de l'escalier s'ils n'étaient pas à nos propres pieds.
Maman ne se serait jamais couchée sans se démaquiller ni
sans appliquer sa crème anti rides d'un geste précis (jusque dans le cou),
comme le recommandait la publicité.
Elle s'étonnait souvent de ce que ses collègues puissent
arriver à l'usine coiffés comme un ballot de paille ou bien avec des vêtements qui ne soient pas
repassés, ou pire, déjà portés la veille...
Noël (je parle de Noël maintenant si je veux) était préparé avec une soin très particulier, nous
nous transformions en lutins anti-poussières, même les barreaux de chaises
étaient époussetés. Notre mère prévoyait des menus chics et peu ordinaires : des avocats sauce cocktail, de la biche
aux airelles, des toasts aux œufs de lompes, de la bûche "du boulanger"... Mes souvenirs font
défaut à ses talents d'ambassadrice Ferrero, mais croyez moi, le dîner était
"recherché". Nous préparions avec elle des menus individuels (même quand nous n'étions que nous
cinq). Elle élaborait méticuleusement un exemple que nous reproduisions dans la journée pour dresser la table le soir. Papa sortait ses bons vins pour accompagner les plats de maman et sciait un sapin du jardin, dans une ambiance relativement crispée, rapport au pied du sapin qu'il fallait cent fois retaillé, parce que trop long, bancal, trop fin... bref une mine à emmerdes, avant de pouvoir être orné.
Nous
étions autorisées ce soir là, ma sœur et moi même, (#Miss réveillon), à asperger nos cheveux, de bombe à paillettes Avon. (Je crois, avec le recul, que nous ignorions à l'époque l'existence même de la couche d'ozone...). Au
coin de nos yeux (ne sois pas jalouse, nous étions de vraies biches de Noël) nous appliquions du gel pailleté (coquetterie de l'extrême). Il était hors de question de n'être pas apprêté à son maximum
les 24 et 25 décembre, même barbouillés des excès du repas de la veille.
Conclusion : si tu cherches des "plumetis" y'en a chez Monop.